Ortiz : « Le double projet… C’est un aspect fondamental »

L’homme se fait discret et pourtant, il est ô combien important au sein de l’UBB. Coach des Espoirs et responsable du Centre de Formation, David Ortiz vit rugby, souvent dans l’ombre, mais est incontestablement l’un des artisans principaux de l’éclosion de nos jeunes au plus haut niveau. Cet ancien talonneur attache bien évidemment de l’importance à la progression de ses jeunes, afin qu’ils puissent devenir professionnel à l’UBB ou ailleurs – même si le premier cas est privilégié – mais pas que. La carrière d’un rugbyman est courte, et il faut surveiller ses arrières en anticipant, en prévoyant. C’est pourquoi, il attache une attention toute particulière à la scolarité, qui fait qu’on obtient des joueurs bien dans leur corps, mais aussi bien dans leur tête. Interview.

 

 

 

Bonjour David. Est-ce évident, chaque année, d’inclure des jeunes venus d’autres clubs ? N’est-ce pas un éternel recommencement chaque saison ? Doit-on tout recommencer, ou bâtir sur les bases de la saison précédente, quelle est votre façon de faire ?

Bonjour. Oui, nous avons toujours besoin d’un temps d’adaptation pour que tous les nouveaux joueurs prennent leurs repères. Et en effet c’est un éternel recommencement, mais c’est la loi de l’équipe Espoirs, dans la mesure où elle est générationnelle et donc qui évolue chaque saison. Nous gardons toujours une ossature forte saison après saison, à laquelle on greffe les nouveaux joueurs. Plus l’équipe reste stable et mieux l’adaptation des nouveaux se fait.

 
Beaucoup de jeunes sont intégrés chaque année à l’effectif professionnel. On imagine que cela doit être une certaine fierté, car l’un de vos objectifs ?

Oui, c’est une grande fierté que de les voir franchir le cap pro. Si c’est chez nous, c’est encore mieux… C’est l’un de nos objectifs principaux quand on intègre un jeune au Centre de Formation. L’autre objectif auquel on tient, c’est qu’il ait également un bagage professionnel et un projet de vie défini. Les deux réunis c’est parfait. A défaut d’avoir le premier, on fait en sorte que le second, soit lui, atteint.

 
La saison dernière, vous êtes allés jusqu’en phases finales avec votre groupe. Que vous a-t-il manqué pour aller un peu plus haut ?

Il nous a manqué principalement de la densité physique face à une équipe de Toulouse équipée. On a été pris en mêlée et quasiment sur chaque point d’affrontement. Le manque d’expérience sur ce type de match nous a fait également défaut. Cela dit, ça a été un match constructif pour la formation de nos joueurs, et cela leur a permis de se confronter à ce qui se fait de mieux dans leur catégorie d’âge et donc savoir où ils en sont concrètement. Cela est une très bonne expérience.

 

 

David Ortiz

 

 

Contrairement à la saison dernière où de nombreux étrangers étaient arrivés, cette saison le recrutement a été plutôt composé de jeunes français ou de promotions de l’équipe Crabos. Est-ce une volonté du club de privilégier des jeunes recrues françaises ?

Oui, nous nous sommes toujours penché vers le recrutement de jeunes joueurs français. L’anticipation du recrutement, et le fait que nous soyons déjà en poule Élite Espoirs la saison dernière a facilité le recrutement de la dernière intersaison. Au-delà de recruter des jeunes joueurs français, nous nous attelons également à garder nos plus forts potentiels, qui se trouvent déjà au club. Nous avons de bonnes générations Crabos et Cadets qui arrivent et nous souhaitons construire autour d’eux.

 

Participez-vous au recrutement, avez-vous un droit de regard dans les décisions qui sont prises ?

Oui je participe conjointement avec Laurent Marti, et d’autres coaches du club. Dans le cadre de l’équipe Espoirs, le recrutement on l’aborde de manière globale. Nous devons tenir compte du plan de succession par poste de l’équipe professionnelle mais aussi garder un œil sur les générations qui seront Espoirs d’ici deux ou trois saisons, tout en gardant une équipe Espoirs compétitive.

 

Quel est votre objectif cette saison avec les Espoirs ? Allez-vous faire comme les autres saisons à savoir penser d’abord au maintien, et ensuite voir en fonction des équipes ce qu’il est possible de faire ?

La compétition Espoirs est très hétérogène saison après saison. Dans la mesure où elle est constituée de manière générationnelle, il peut y avoir d’énormes changements de statut d’une saison à l’autre. L’exemple type cette saison est le Racing qui est tenant du titre et qui pourtant est dernier de poule sans avoir gagné un match. Nous procédons avec des objectifs par palier, et nous préférons jauger la compétition, se situer par rapport aux autres équipes, pour ensuite refixer des objectifs si besoin. L’objectif doit paraître réaliste et atteignable aux yeux du joueur. Cela ne sert à rien de fixer la qualification comme objectif et de se retrouver largués au bout de quelques semaines… Nous referons le point sur notre objectif à la fin du prochain bloc de matchs.

 

 

Raphaël Ibanez et David Ortiz

 

 

Les combinaisons en touche ou dans le jeu sont-elles semblables entre les Espoirs et les professionnels ? Comment peaufinez-vous ça avec le staff professionnel ?

Nous avons le même projet de jeu et les mêmes codifications. Il est important d’avoir un projet de jeu commun afin de faciliter les montées des jeunes joueurs Espoirs, et les descentes éventuelles des joueurs pros. Ensuite chaque projet de jeu évolue durant la saison selon les besoins, les capacités ou les caractéristiques de chaque équipe. Nous en Espoirs, on va moins loin dans l’évolution, notamment à cause du manque de temps d’entrainement ensemble. On le fait néanmoins évoluer en fonction des caractéristiques de la compétition Espoirs.

 

Le début de saison a été compliqué avec des départs pas forcément prévus et des blessures, et aussi un effectif rajeuni. Aujourd’hui, vous semblez avoir redressé la barre. Comment s’est passé ce début de saison ?

On savait que ce serait compliqué surtout à cause des blessures et le déficit de joueurs aux postes de la charnière, qui sont des postes clés pour la mise en place du projet de jeu et la gestion des matchs. Mais on ne pensait pas que l’on finirait si bien ce premier bloc. Tant mieux. Maintenant on doit saisir l’occasion de recevoir 3 fois sur les 5 prochains matchs pour peut-être refixer un autre objectif autre que le maintien.

 

Parlons un peu de la rencontre de ce week-end qui aura lieu ce samedi à Moga (contre Narbonne). Avez-vous des retours de votre adversaire ? Darly pourrait venir vous renforcer et regouter à la compétition également…

Nous avons visionné certains de leurs matchs, et on sait qu’ils sont très costauds, denses et avec de l’expérience devant. Eux aussi sont allés faire un exploit à Agen. Il faudra s’attendre à un gros combat devant et ne pas faire de faute. Peut-être une des grosses équipes de cette poule ! Pour Darly, la décision doit être prise aujourd’hui. Cela semble en tout cas, en bonne voie.

 

Vous louez ces dernières années l’état d’esprit des professionnels qui redescendent avec les Espoirs. Qu’apportent ces joueurs sur une aussi courte durée qu’est une rencontre, aux plus jeunes ?

Ils apportent avant tout leur expérience du haut niveau, et ils conseillent les jeunes sur le terrain. Au-delà de ça, ils élèvent, par leur prestation, le groupe vers le haut. C’est une très bonne chose. De plus, leur état d’esprit a toujours été irréprochable.

 

 

Jean-Blaise Lespinasse, Matthew Graham, Raphaël Molcard, Thierry Paiva

 

 

Votre capitaine de la saison passée, Raphaël Molcard, est parti en Argentine pour ses études mais a laissé entendre qu’il pourrait revenir la saison prochaine. Quel a été son apport la saison dernière et seriez-vous prêt à l’accueillir de nouveau ?

Raphaël est un très bon joueur de rugby, qui avec quelques centimètres et quelques kilos en plus aurait fait une belle carrière pro. Il a une grosse activité offensive et défensive, et est souvent décisif. Il a fait le choix des études et c’est une très bonne chose, d’autant plus qu’il sait ce qu’il veut. Son éventuel retour, sera me semble-t-il compliqué. D’abord car les périodes de mutation ne sont pas éternelles et que le groupe sera déjà engagé sur la dernière ligne droite du championnat. On verra quand le moment viendra ce qui est réalisable ou pas…

 
Au sujet d’un autre joueur, Matthew Graham, qui a joué principalement avec vous la saison dernière. Comprenez-vous son choix de changer complètement de voie et de se diriger vers le basket ?

Quand on connaît le personnage, il n’y a rien d’étonnant. Matt n’a jamais été dans une démarche carriériste. Lui, le sport (rugby ou basket), c’est sa passion et le plaisir avant tout. Il avait dû faire un choix à une certaine époque et il l’a refait aujourd’hui. Je lui souhaite en tout cas de continuer de s’éclater dans sa nouvelle discipline.

 

En plus d’entraîner des espoirs, vous avez aussi la casquette de directeur du centre de formation. Quelle place l’UBB accorde-t-elle au cursus scolaire pour ses jeunes espoirs ?

C’est un aspect fondamental. Au Centre de Formation on parle d’ailleurs de double projet. L’un ne va pas sans l’autre. Nous partons des exigences que représente la formation sportive et nous bâtissons autour, avec ma collègue Marine Fierfol, tout le parcours scolaire. Le but étant, qu’à la fin de son cursus, le joueur ait son contrat professionnel mais aussi le bagage nécessaire pour son projet d’après carrière. Nous collaborons depuis deux saisons avec Formasup Campus, qui justement nous permet d’optimiser la viabilité du double projet.

 

 

David Ortiz

 

 

Plusieurs jeunes espoirs ont été prêtés en Pro D2 afin de s’aguerrir à un niveau supérieur (Queheille à Tarbes pour la seconde saison, Méret à Bayonne et Katoa à Carcassonne). Les suivez-vous avec attention pour voir leur progression et un retour au club la saison prochaine est-il prévu ?

Oui on continue de les suivre à distance. Ce sont des joueurs, qui bien que prêtés, sont toujours rattachés à l’UBB. Le but est d’évaluer, s’ils auront le niveau de jeu pour s’imposer chez nous à la fin de leur prêt. Nous agissons avant tout pour l’intérêt personnel du joueur. Outre l’éventualité de les faire revenir, notre objectif c’est avant tout de leur permettre de gagner ou garder du temps de jeu au niveau professionnel.

 

Levi Aumua et Jona Saulakaleka ne sont plus inscrits dans l’effectif mais n’ont pas été annoncés comme partants par le club en début de saison. Mais le premier a été annoncé par Sud-Ouest comme restant en Nouvelle-Zélande pour problèmes familiaux et le second est annoncé dans l’effectif de l’US Seynoise (Fédérale 1). Ces départs sont-ils définitifs ?

Oui, tous les deux sont définitifs. Pour ce qui est de Levi, nous avons dû respecter son choix de vouloir rester là-bas. Pour Jona qui était déjà dernière année Espoirs la saison dernière, on savait qu’on ne le garderait pas. Malgré ses énormes qualités physiques, il manquait encore de repères rugbystiques pour pouvoir s’imposer chez nous en Top 14. Au-delà du fait qu’il comptait comme non JIFF dans l’effectif de référence. On espère qu’il rebondira, et je pense qu’il intégrera un effectif de Pro D2 rapidement. S’il était arrivé une ou deux saisons plus tôt, peut-être qu’il serait encore chez nous.

 

Un très grand merci à David pour sa disponibilité. Nous lui souhaitons de nouveau une bonne saison, ainsi qu’à ses jeunes, mais commençons par lui souhaiter un bon match samedi face à Narbonne (15h30). Tous à Moga pour soutenir votre équipe, l’entrée est gratuite !