[Interview] Aldigé : « Cette équipe est devenue une marque grâce à sa victoire »

    Jean-Baptiste Aldigé, créateur et directeur de Sport Inside Asia (agence de marketing sportif basée à Hong-Kong), initiatrice du rapprochement avec un investisseur Hongkongais et représentant les intérêts de l’UBB en Asie, a répondu à nos nombreuses questions concernant cette campagne de l’UBB en Asie, qui a remporté le Hong Kong Tens il y a quelques jours. Ancien rugbyman, passé notamment par la première équipe Espoirs de l’UBB, Jean-Baptiste évoque de l’intérieur ce tournoi qui s’est avéré être une franche réussite aussi bien sur le plan sportif, qu’en termes d’image pour l’Union. Un premier grand pas de ce côté du monde, qui demande presque d’ores et déjà confirmation la saison prochaine pour ce même tournoi, où notre club sera première tête de série. De la composition de cette équipe, en passant par les premiers pas de « coach Clarkin« , sans oublier l’impact en termes d’images et de notoriété de l’UBB, voici l’interview de Jean-Baptiste Aldigé.

     

    Jean-Baptiste Aldigé, Laurent Marti et Louis-Vincent Gave
    Jean-Baptiste Aldigé, Laurent Marti et Louis-Vincent Gave

     

     

    Quelles sont les activités que vous réalisez à la tête de votre agence Sport Inside Asia pour promouvoir l’UBB à Hong Kong ?

    Sport Inside Asia est une agence de marketing sportif ayant trois activités majeures : l’événementiel, le management, la commercialisation et l’activation de droits sportifs, le conseil en stratégie marque dans le sport. Louis-Vincent Gave et moi-même en sommes les créateurs et les principaux actionnaires.

    Le rapprochement opéré il y a deux ans avec l’UBB nous permet de parier sur un nouvel actif sportif et plus largement culturel avec la marque Bordeaux que nous essayons de promouvoir et commercialiser en Asie et ailleurs. Le club de l’UBB, la ville de Bordeaux, l’activité viticole de la région nous semblent être un package bien plus porteur qu’un simple club seul.

    L’Asie ne reconnaît pour l’instant que le rugby de l’hémisphère sud et nous nous attachons pour l’instant à semer nos petites graines pour faire germer dans l’esprit collectif qu’il existe un club dans le sud-ouest de la France, dont les intérêts et qualités dépassent le simple terrain de jeu.

    Le HK 10s, auquel nous participons depuis trois ans, est une manière simple et efficace d’exposer la marque Bordeaux sur le terrain. Avec cette victoire espérée à terme mais inattendue cette année, nous espérons activer des leviers de promotion autour de cette équipe dans le futur. Voir un jour l’équipe de l’UBB voyager en Asie sur le même modèle que la Natixis Cup que nous avons créé en 2013 est aussi une possibilité, à nous d’aligner les intérêts de toutes les parties en présence, autant économiques que sportifs.

    La partie voyage dans le sens Asie-Bordeaux pour des gens voulant découvrir la région est aussi à envisager.

     

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    Pour la 3ème année, une équipe, dont vous êtes le manager, défendait les couleurs de l’UBB au Hong Kong Tens. Comment cette opportunité s’est-t-elle présentée ? Qu’est-ce que cela apporte comme visibilité pour le club ?

    Nous avons une équipe engagée dans ce tournoi depuis quatre ans. Suite au rapprochement avec l’UBB, nous avons estimé il y a trois ans que cela faisait sens de porter les couleurs du club sur cet événement afin de faire connaître l’UBB et d’exposer la marque, toujours dans l’esprit de semer les petites graines…

    Pour la petite anecdote, avec la victoire de cette année, les intéressés locaux y compris la Fédération, ont enfin fait l’effort de comprendre que Bègles est une ville, partie prenante du nom du club et de son identité et non pas… une mascotte. En effet les britanniques prononcent avec précipitation « beagle » soit « bigul » en phonétique, le nom d’une race de chien britannique que j’ai du mal à imaginer sur n’importe quel logo de club.

    En termes de visibilité pure, il faut savoir que le HK 10s se dispute pendant la semaine du Sevens, soit la messe du rugby pas seulement local mais mondial. Tous les acteurs de ce sport sont en ville cette semaine-là et donc avec la couverture média, plus l’affluence stade, la majorité des acteurs de ce jeu sont au courant qu’une équipe du nom d’UBB a gagné le HK 10s cette année pour la première fois au nez et à la barbe des indétrônables Penguins, Asia Pacific Dragons et autres Samurai. A nous de pérenniser l’histoire et d’en activer le potentiel.

     

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    A part Matt Graham qui est passé par l’UBB, aucun n’a porté le maillot du club. Serait-il possible d’en voir un dans le futur porter le maillot de l’UBB ?

    Pour composer cette équipe, nous nous sommes d’abord appuyé sur des joueurs locaux évoluant dans le championnat Hongkongais au sein des clubs de Valley RFC, Kowloon ou DEA et sous contrat avec la Fédération. Ayant moi-même été joueur jusqu’à cette année, j’ai pu négocier avec Leigh Jones, l’entraîneur national, afin qu’il nous mette à disposition 7 joueurs, pour la majorité des avants, originaires d’Afrique du Sud et de Nouvelle-Zélande. Il faut savoir que la Fédération de Hong-Kong, qui a de gros moyens, poursuit le but de se qualifier pour la prochaine Coupe du monde. Pour cela, elle recrute depuis l’an dernier des joueurs en hémisphère sud, leur fait signer des contrats et, en attendant qu’ils soient éligibles grâce à la règle IRB des 3 ans, les fait s’entraîner tous les jours en équipe nationale et jouer les weekends dans les différents clubs.

    Par la suite, toujours grâce aux connections Hongkongaises , j’ai contacté mon ancien coach Gareth Baber, maintenant en charge des Fidji. Sur un squad de 20 joueurs pros, il n’en sélectionne que 12 pour chaque tournoi des World Series. L’intérêt pour lui, était de donner du temps de jeu aux 8 restants et selon leur performance, de pouvoir les avoir à disposition pour l’étape suivante. L’opération est un succès puisque deux des quatre fidjiens seront à Singapour ce week-end avec Fidji 7s. Nous n’avons rien inventé, c’est exactement le modèle employé par les Blacks avec les Penguins ou les Anglais avec les Samurai.

    Pour finir, quatre joueurs de Nouvelle-Zélande évoluant en ITM Cup, jeunes, et à potentiel Super Rugby dont Nick Smith notre play-maker (celui qui organise le jeu) aux portes des Auckland Blues et ami de Simon Hickey et Aorangi Stokes, notre capitaine et meilleur joueur du tournoi qui mériterait d’être aperçu en Europe.

     

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    Après une 9ème place en 2015 et une 10ème l’année dernière, quels étaient les objectifs en début de Tournoi ?

    L’objectif comme chaque année était de représenter fièrement nos couleurs et d’essayer de sortir des poules pour un quart de finale qui nous aurait permis l’année prochaine d’être classé parmi les huit premières têtes de série, et ainsi envisager un tableau plus abordable et voir plus grand année après année.

    La 9ème place de 2015 était une réussite pour une première et nous avions pu compter sur le dévouement de joueurs comme Vincent Forgues, Jean-Baptiste Beyries, Rafa Carballo ou Julien Patey mais la 10ème place de l’an dernier était une vraie déception avec des joueurs qui n’avaient pas joué le jeu.

     

     

    Malgré un statut de tête de série n°11, qui vous faisait rencontrer dès la phase de poule les triples finalistes (Samurai), l’UBB s’est imposée en battant en finale les anciens vainqueurs (Penguins) grâce à un drop décisif. Pouvez-vous nous raconter comment s’est déroulé le tournoi ?

    Nous étions en effet dans la même poule que les Samurai tête de série numéro 2, ainsi qu’une équipe écossaise et une autre bien plus abordable d’origine chinoise. Sur l’ensemble du tournoi, mis à part l’opposition chinoise, il n’y a eu aucun match facile qui nous a permis de gérer. Contrairement aux grosses équipes qui s’échauffent le premier jour, nous avons été à fond de bout en bout. L’équipe a fait preuve de beaucoup de solidarité avec une grosse défense, une mêlée dominatrice amenée par nos sud-africains et souvent des ballons de contre exploités à merveille par notre contingent fidjien.

     

     

    Cette année justement, quatre joueurs fidjiens de rugby à 7 étaient venus renforcer l’équipe. Quel a été leur apport dans l’équipe ? Ont-ils été une réelle plus-value ?

    Sur et en dehors du terrain, l’expérience avec ces quatre-là a été une vraie réussite. D’un point de vue médiatique notre équipe était dès le premier jour en première page des médias car Hong-Kong est toute entière acquise aux Fidji, maîtres incontestés du HK 7s. Sur le terrain ils ont changé le cours de chaque match. Matthew Clarkin a organisé une grosse défense et souvent lorsque les organismes étaient fatigués en deuxième mi-temps, un de nos fidjiens surgissait de nulle part sur un demi ballon ou un demi espace. Il y a eu quelques sueurs froides parfois avec même un d’entre eux tentant des petits coups de pied par dessus les rucks, dans nos cinq mètres, mais c’est leur façon de faire.

     

    Photo by Juan Manuel Serrano / Power Sport Images
    Photo by Juan Manuel Serrano / Power Sport Images

     

    Ce tournoi marquait la première expérience de Matthew Clarkin, ancien capitaine de l’UBB, à la tête d’une équipe. Qu’avez-vous pensé de sa prestation en tant qu’entraîneur ?

    Matthew Clarkin entraîneur ressemble beaucoup au joueur ; charismatique, leader et intelligent. Il a su gérer en très peu de temps les différentes caractéristiques de joueurs de différents horizons et en faire un ensemble homogène et réactif. Il avait bien préparé son affaire et est arrivé à Hong-Kong avec un plan bien précis. Il a créé un cadre simple et précis où chaque sensibilité a pu s’exprimer et je suis encore très impressionné par sa capacité à rester stoïque devant les placements défensifs de nos fidjiens. Il savait que derrière ça, il y aurait un moment où ils changeraient la donne.

     

    Le rugby à 10 n’est pas très connu en France, quelles sont les spécificités de ce sport par rapport au rugby à 15 ou à 7 ? Que pourrait apporter à un rugbyman à 15 la pratique de ce sport ?

    Autant le rugby à 7 et le rugby à 15 sont deux sports complètement différents, autant le 10 et le 15 c’est pareil.

    On est sur beaucoup de phases d’affrontement, sur très peu de temps qui demandent des joueurs rigoureux, précis et puissants. L’équipe idéale à 10, c est 8 joueurs treizistes de 1 mètre 80 et 110 kilos et 2 flèches pour finir les coups… Absolument pas notre profil comme quoi…

    Tout comme le 7, les équipes du sud utilisent le 10 comme formation ou préparation en pré-saison ; on a pu voir Toulon participer au tournoi pré-Super rugby de Brisbane dernièrement.

    Sur les dernières années le HK 10s a vu jouer pour les différentes équipes des joueurs comme Mils Muliana, Vilimoni Delasau, Rupeni Caucaunibuca, Tana Umaga, Stephen Brett, Nehe Milner Skudder, Sam Cane, Nemani Nadolo…

    C’est au HK 10s que Patrice Collazo a repéré et recruté Uini Atonio qui jouait à Hong-Kong, tout comme Benjamin Sa.

     

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    Le Hong Kong Tens, crée en 1986, en est à sa 32ème édition. Quelle est la popularité d’un tel tournoi et plus largement du rugby à Hong Kong ?

    Le HK 10s est une partie de la semaine du HK7s à Hong-Kong. Toute la ville s’arrête et ne vit plus qu’au rythme du rugby et de la fête durant cette semaine.

    Cette semaine n’est pas un événement sportif mais un événement de société, c’est l’endroit où il faut être. On parle là du second événement économique rugby en termes de retombées après la Coupe du monde tous les quatre ans.

     

     

    Quel est vraiment l’impact médiatique d’une telle victoire à Hong Kong et plus largement en Asie, car de France, il est difficile de s’en rendre compte ?

    Tant par la victoire surprise que par l’apport de notre contingent fidjien, l’impact a été important ici et en hémisphère sud puisque le tournoi était retransmis dans bon nombre de pays de la région. Je crois que le pic se situait aux Fidji avec les médias locaux qui suivaient notre équipe comme leur équipe nationale.

    Cette équipe est devenue une marque grâce à sa victoire et nous nous en félicitons. Nous serons tète de série numéro 1 l’an prochain et donc le plus dur commence, mais il est envisageable aujourd’hui de signer des partenariats autour de cette équipe et d’organiser des événements comme un dîner en présence des joueurs, de quelques intervenants et de tables achetées par des Corporates friands de ce genre d’événements par ici… J’espère que nous boirons du Bordeaux ce jour-là.

     

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    Lundi, dans le Midi Olympique, vous déclariez qu’il serait peut-être possible, dans un futur proche, de voir un (ou plusieurs) joueurs de l’UBB (en particulier des espoirs) intégrer l’équipe. Vu la place du tournoi dans le calendrier, à l’approche des phases finales du championnat espoir et du Top 14, cela parait-il réellement envisageable ?

    Les Anglais, les Ecossais et les Gallois semblent trouver de l’espace et de l’intérêt pour envoyer leurs jeunes joueurs à ce moment-là de la saison ; j’ai vu Jean-Blaise Lespinasse jouer pour les Pyrénées Sevens sur le tournoi la semaine dernière. Mes propos dans Midi Olympique ne concernaient que les espoirs et non pas les joueurs évoluant en Top 14. A moins de cas exceptionnel ou d’opportunité, ce n’est pas leur place ici avec les risques de blessures que cela comporte. L’idée serait de donner un accent plus local à cette équipe si possible mais si ce n’est pas faisable, ce n’est absolument pas un problème ; nous continuerons à nous débrouiller comme cela.

     

     

    Quel est le niveau du rugby en Asie. Serait-il possible de voir dans un futur proche un joueur asiatique – autre que Japonais – arriver dans notre championnat ?

    En Asie, la place forte du rugby en termes de joueurs, d’équipes et d’engouement pour le championnat local se situe au Japon. En terme d’événement, la référence est la semaine du HK Sevens.

    Il ne serait pas impossible à terme de voir un joueur asiatique arriver dans le championnat mais pas pour le moment. L’auto-proclamé meilleur championnat du monde ne jouit pas de la même aura par ici et les asiatiques tiennent en beaucoup plus haute estime le rugby de l’hémisphère sud qui est retransmis journalièrement à la télévision. Cela a commencé par le Japon et maintenant c’est le cas à peu près partout en Asie. Tout ce qui est néo-zélandais est parole d’évangile en termes de rugby, grâce à la machine All Blacks.

     

     

    Un grand merci à Jean-Baptiste qui vous aura, à coup sûr, éclairé sur l’équipe de l’Union en Asie. Et… à l’année prochaine !