Blanc : « Ce moment, je l’attendais depuis longtemps »

    La Coupe d’Europe, ces dernières années, c’est aussi le moyen pour l’Union Bordeaux Bègles de tester ses jeunes Espoirs au plus haut niveau. Un joueur cette année est pour l’instant sorti du lot : Lucas Blanc. S’il profite aussi de quelques blessures, notre jeune trois-quarts aile doit aussi sa présence dans le groupe professionnel à son travail. Faisant plusieurs entrainements avec les professionnels depuis le début de la saison, Lucas a engrangé de l’expérience, du vécu, et s’est imprégné de ce groupe pour mieux s’y fondre le moment où l’on ferait appel à lui. Ce moment est venu la semaine dernière dans une rencontre devant les siens, à Moga, qui s’est malheureusement soldée par une défaite. Mais ce moment restera certainement gravé à vie, d’autant qu’il y a quelques jours, il eut une nouvelle fois sa chance face aux London Welsh, où il rendit une belle copie avec notamment un essai et une passe décisive.

     

    Posé, la tête sur les épaules et bien pleine, c’est avec une grande maturité qu’il répondit à nos questions, sans tabous, avec une lucidité à couper le souffle. De ses premiers instants avec les professionnels, en passant par son « bizutage », ses ambitions, sans oublier ses coéquipiers en Espoir, il n’élude aucun sujet pour notre plus grand plaisir, tout en restant les pieds sur terre car il n’oubliera jamais d’où il vient. Interview.

     

     

    Tu te déclarais un peu stressé à la veille de ton premier match officiel avec les professionnels, contre Édimbourg. Comment as-tu réussi à te détendre ? Certains joueurs ont-ils aidé à te rassurer ?
    Honnêtement, je n’étais pas stressé, que la veille du match mais à partir du moment où l’annonce du groupe a été faite… Dans ces moments-là, on se pose plein de questions que l’on ne se pose pas d’habitude. C’est un peu paradoxal parce que ce moment, je l’attendais depuis longtemps, j’en rêvais déjà petit. Au moment où je suis rentré sur le terrain, le stress a disparu. Je ne pensais plus qu’au match en me concentrant sur mes objectifs et tout ce que j’avais appris au cours des années. Par ailleurs, tout au long de la semaine, plusieurs joueurs sont venus pour me rassurer, me conseiller et m’encourager. Baptiste Serin s’est beaucoup rapproché de moi lors de cette semaine ; il a vécu ça il y a quelques années, il m’a beaucoup aidé.

     

    Avec un peu de recul, comment as-tu vécu ce premier match officiel en professionnel ? Est-ce que cela restera un bon souvenir malgré la défaite ?

    C’était énormément de plaisir ! En plus de jouer à Moga devant tous mes amis et ma famille, ça faisait quelque chose en plus. Malgré tout cela, je sors un peu frustré de ce match, je suis quelqu’un de très exigeant concernant mon jeu. Physiquement c’était vraiment très différent de ce que je connaissais. D’ailleurs, à la 60ème minute, j’ai eu des crampes mais je voulais vraiment en profiter jusqu’à la fin peu importe ce que me disait mon corps (rires). Je m’en souviendrais, c’était quelque chose de « magique » pour moi et cela m’a permis de me rendre compte que le haut niveau demande encore beaucoup de travail même si je le savais déjà.

     

    Et puis tu es vite remonté en selle avec un second match européen, en Angleterre. Le déplacement a été bon, dans un groupe que l’on dit être une bande de potes, toujours de bonne humeur ?

    Je pense que c’est vraiment le point fort de l’UBB ! C’est vraiment un groupe qui vit super bien ensemble. C’est une chance énorme de côtoyer ce groupe, tout est plus simple quand on passe de bons moments que ça soit au niveau de l’intégration comme du travail. Il y a vraiment quelques clowns dans ce groupe (rires). Mais quand il s’agit de travailler, ils m’impressionnent par leur sérieux et leur application. Chaque entraînement doit permettre au groupe de progresser et tous les joueurs en sont conscients. Le fait de se retrouver après les entraînements pour manger ensemble nous permet de mieux se connaître et passer de bons moments.

     

     

    Lucas BLANC

     

     

    Côté terrain, on a senti moins de crispation et déjà plus d’assurance avec notamment un premier essai, et une passe décisive ! C’était certainement deux grands moments de ta carrière ?! Peux-tu nous les raconter ?

    Juste avant le match, Raphaël Ibañez est venu me voir en me disant de jouer sans pression et en me proposant beaucoup plus, et surtout en prenant du plaisir. J’ai vraiment pris en compte ses conseils et pour moi le rugby est un sport avant tout, et la notion de plaisir est super importante. Je vais vous avouer que lors de ce match, j’ai pris énormément de plaisir, un plaisir diffèrent par rapport à la rencontre précédente contre Édimbourg. Il y avait beaucoup d’espaces et nous avons mis beaucoup de volume de jeu. Lorsque Darly me fait la passe et que je me retrouve derrière la ligne c’est un énorme ouf, ça fait un bien fou, je ne saurais comment le décrire. Marquer un essai pour un ailier, c’est très important. D’ailleurs cela m’a permis d’être plus en confiance et de me décrisper. Jouer dans une équipe en confiance comme l’UBB permet de pouvoir s’exprimer. C’était le top, le jeu allait très vite, cela m’a permis de toucher beaucoup plus de ballons que la semaine dernière et un de ces ballons a terminé dans les mains de Matthew Clarkin. C’est une fierté de faire marquer le capitaine (sourire).

     

    Le staff a dû te féliciter à la fin de la rencontre…

    A la mi-temps, j’ai eu quelques échanges avec les entraîneurs, puis à la fin on était plutôt dans la joie de la victoire. Le débriefing se fera en début de semaine.

     

    D’ailleurs, tu as eu le droit à ton bizutage depuis le début de saison ?

    (rires) Je pense que ça va être évident quand les gens vont me voir… J’ai eu le droit après le match à une petite chansonnette « la tondeuse pour Lucas, la tondeuse pour Lucas ». J’ai essayé d’y échapper mais rien à faire, Lucho (Louis-Benoit Madaule, ndlr) avait déjà en main la tondeuse et ne s’est pas fait prier pour s’exécuter. Ce n’est vraiment pas un bon coiffeur, je ne le conseille à personne ! J’ai eu le droit à une super coiffure, Met’ Talebula ne faisait que faire le chant de la poule lorsqu’il me voyait, je vous laisse vous faire une idée de mon nouveau look (rires). J’ai dû aussi chanter une chanson pendant le trajet du retour…

     

    Cela fait désormais quelques semaines que tu t’entraines avec les professionnels, dont quelques unes aussi au début de la saison. Qu’est-ce que cela change vis-à-vis d’un planning Espoir ?

    Le planning des pros est beaucoup plus condensé. En général, on commence vers 8h30-9h00 et on termine aux alentours de 13h30-14h00 voire plus tard. Les plannings Espoir sont fait de telle sorte qu’on puisse continuer nos études, mais lorsque l’on s’entraîne avec les pros, ce n’est pas facile de suivre les cours car on finit en début d’après-midi.

     

    Estimes-tu avoir déjà progressé et pris de l’expérience ? Dans quels domaines ?

    J’ai beaucoup appris sur comment aborder un match même si avec l’équipe de France des moins de 20 ans, on travaille beaucoup sur ça. Je me suis rendu compte que pour y arriver, il ne faut rien laisser au hasard, il faut vraiment se donner les moyens pour y arriver et pour cela travailler dur. Je pense avoir progressé sur la vigilance sur le terrain, le fait d’être tout le temps concentré et appliqué, c’est quelque chose de très important. Les joueurs et les entraîneurs qui m’ont entouré, m’ont énormément appris et tous leurs conseils vont beaucoup m’aider.

     

     

    Lucas BLANC et Alexandre PILATI

     

     

    Avec les Espoirs, tu as grandement participé à la victoire il y a une vingtaine de jours face à La Rochelle. On a vu d’ailleurs une célébration avec Alexandre Pilati. Peux-tu nous raconter le ‘move’ ? Vous avez l’air très complices tous les deux ?

    (rires) Oui,  avec Pilat, on est très proches, on se connaît depuis très longtemps. C’est notre truc, on se décrit un peu comme le Yin et le Yang – lui la couleur noire, moi le blanc – et on s’est dit qu’il faudrait qu’on se fasse un petit move. Ça fait longtemps qu’on fait ça mais contre La Rochelle, ça faisait un long moment qu’on n’avait pas joué ensemble et il fallait absolument qu’on ressorte notre danse. C’est mon ‘albinos’, quand on est heureux sur le terrain, il faut le montrer ! J’ai beaucoup de très, très bons amis à Bègles et Pilat en fait partie. On s’encourage énormément et espère toujours le meilleur pour l’autre. Ce qui est bien, c’est que dans cette équipe Espoir, on s’entend vraiment tous bien. Il y a pas mal de concurrence mais tout le monde s’entraide pour faire avancer le groupe.

     

    Avec la blessure de Sofiane et la sélection de Met’, tu pourrais avoir une nouvelle chance contre Toulouse en Top 14. Tu les as déjà affrontés lors de la préparation. Que penses-tu avoir appris de ce match qui pourrait te servir si tu es amené à jouer ?

    Je ne pense pas à ce match de Top 14 contre Toulouse. Je suis super heureux d’avoir joué ces deux rencontres en coupe d’Europe, j’ai beaucoup appris et cela m’a donné encore plus envie de travailler dur pour avoir un jour une nouvelle chance de jouer avec cette équipe. Je me prépare pour n’importe quelle rencontre, j’ai un super championnat Espoir à jouer, il faut vraiment que je me serve de ces matches en coupe d’Europe pour apporter dans cette équipe Espoir. Si une opportunité se présente pour jouer avec l’équipe première, je serais prêt et plus motivé que jamais. Je ne vais pas vous mentir, je pense au Top 14, mais il est très loin dans la tête. J’ai toujours fonctionné comme ça, je travaille et je saisis les chances qu’on m’offre. Le Top 14 est encore une autre étape, ce n’est pas à moi de décider. Les entraîneurs décideront si je suis capable ou s’il me faut plus de temps.

     

    Quels sont tes objectifs à titre personnel cette saison ? T’attendais-tu à être autant sollicité avec les professionnels ?

    Un sportif se doit d’avoir des objectifs sinon il n’avance pas. J’avais pour objectif un match en coupe d’Europe mais maintenant que j’y ai gouté, j’aimerais tellement pouvoir y retoucher ! Et si possible un match en Top 14. Je n’oublie pas mon équipe Espoir avec qui je l’espère, on ira le plus loin possible. On a un super groupe, on vise une qualification pour les phases finales et pourquoi pas aller chercher le titre.

    Cette année est aussi l’année des moins de 20 ans et j’espère vraiment reporter le maillot avec le coq, c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur ! Pourquoi pas un autre grand chelem ?! Et jouer cette coupe du monde en Italie, puis faire un bon résultat, c’est à dire gagner ! C’est beaucoup d’ambition, une année avec beaucoup de challenges, mais j’adore ça !

     

    Enfin, que peut-on te souhaiter pour les mois à venir ? Un message à faire passer peut-être ?

    De la réussite dans tous mes projets sportifs et vu que mes parents vont lire l’article, il ne faut pas oublier le scolaire (rires). C’est très important, on ne sait jamais comment va se passer une carrière sportive. J’ai plusieurs messages à faire passer. D’abord c’est ‘on n’oublie jamais d’où l’on vient’ ! C’est d’ailleurs mon cas, j’ai connu pas mal d’échecs, et ce n’est pas parce que ça nous sourit qu’on est arrivé ! Et je n’oublie pas mon club où j’ai commencé, Pessac Rugby. Rouge et vert, des valeurs pour la vie.

     

    Dimanche, à Moga, les Espoirs recevront le Racing Metro pour une rencontre qui sera véritablement intéressante et passionnante. Lucas ne sera pas sur le terrain et l’on comprend aisément pourquoi, mais il sera présent, se qualifiant comme « le premier supporter » de cette équipe. Son équipe.

     

    Un grand merci à Lucas pour ce beau moment.

     

    Lucas Blanc