[Interview] Bouet : « Ça m’a vraiment touché de soulever le bouclier en premier »

Un capitaine, c’est essentiel. Un capitaine est élu par ses pairs, ce qui lui donne forcément une crédibilité, un statut, mais également des devoirs. Un capitaine est chargé de faire le lien, de motiver ses coéquipiers, de donner l’exemple. L’histoire retiendra que Vincent Bouet était ce capitaine, celui d’une saison qui vit son équipe, celle des Espoirs de l’UBB, Champions de France. Posé, censé, réfléchi, notre désormais ex-capitaine ne connut malgré tout pas une saison des plus idylliques. Blessé gravement au mois de mars, il dût malgré son indisponibilité et ses difficultés à se déplacer, tenir son rang ; une situation difficile à vivre comme il nous l’expliqua. Mais au final, plus de bonheur qu’autre chose avec ce titre de Champion de France, un bouclier levé haut et fort en premier comme s’il n’avait jamais quitté ses coéquipiers et amis… Pour se rendre compte après une bonne semaine en leur compagnie, que leur belle histoire d’amitié prenait fin… Heureusement, sur une excellente note. Interview.

 

Tu as été nommé capitaine, après le départ de Raphaël Molcard en fin de saison dernière. Comment a été prise cette décision et comment as-tu vécu ton rôle de capitaine ?

Michel Maillet et David Ortiz sont venus en début de saison avant les matchs amicaux, pour me proposer d’être capitaine cette saison. Ils estimaient qu’étant donné que je fais partie des plus anciens de l’équipe et du club, que je m’entends facilement avec l’ensemble du groupe et que j’avais déjà connu ce rôle auparavant, je devais être capitaine et j’ai accepté. Ils l’ont annoncé à l’équipe, je me suis fait chambrer bien évidemment. Mais je l’ai vécu simplement, sans prise de tête, je connais la plupart du groupe depuis longtemps, j’ai été capitaine en Crabos et en Reichel donc ça n’a pas trop changé mes habitudes.

 

Tu t’es rompu le ligament croisé lors du dernier match à domicile. Prenons des nouvelles de ta santé… Où en es-tu au niveau de ta rééducation ?

Je me suis blessé lors de l’avant dernier match à domicile contre Montpellier, je n’ai pas eu la chance de jouer la der à Moga avec le damier, ni d’y assister. J’étais cloué au lit, dû à l’opération. Je suis à deux mois et une semaine après l’opération, je suis des séances de kiné au cabinet de Jérôme Bertet plusieurs fois par semaine. Cet été à mi-juillet je vais filer au CERS à Capbreton pour poursuivre ma rééducation, réapprendre à courir etc… Mon retour n’est pas pour bientôt, malheureusement. Il est idéalement prévu pour novembre donc il faut que je sois patient encore un bout de temps.

 

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Tu as du coup vécu toutes les phases finales du championnat sur le bord du terrain. N’était-ce pas trop dur ? En tant que capitaine, as-tu quand même gardé un rôle dans le groupe pendant cette période ?

Honnêtement, c’est vraiment horrible, parce qu’on devient spectateur et non plus acteur, on meurt d’envie de jouer ces matchs-là, on s’entraîne toute l’année pour vivre ce genre de match et on en est privé par une vilaine blessure. Sur le bord du terrain, je vivais le match à fond autant qu’eux, je faisais les cent pas, on est pris émotionnellement par le match mais on ne peut rien faire mis à part donner de la voix pour les encourager. Puis il ne faut surtout pas être cardiaque au vue des faits de jeux et de l’évolution du score lors de la demi et de la finale, surtout de la finale d’ailleurs. J’ai essayé, fait de mon mieux pour rester dans le groupe déjà car avec l’opération je suis resté un long moment en béquilles et atèle, donc c’était compliqué. J’essayais de garder mon rôle au sein de l’équipe et d’apporter mon aide comme je pouvais, en visionnant les matchs de nos adversaires pour voir leurs défenses en conquête, comment ils s’organisaient etc… Quand on n’est plus sur le terrain avec l’équipe, c’est compliqué alors j’ai fait avec les moyens du bord, des messages aux copains pour les motiver et encourager avant chaque match.

 

Justement, est-ce que cette victoire en championnat face à Clermont a un goût particulier, sachant que tu ne l’as pas vécue sur la pelouse ?

Oui c’est un sentiment mitigé, car d’un coté je me dis que ça y est on est Champion de France, on a bataillé toute la saison pour en arriver là donc je suis super content… Et de l’autre je suis triste et dégoûté car dans une carrière sportive, on a la chance de jouer une finale une fois voire deux et en plus pour la dernière année au club, j’aurais aimé jouer cette finale. De ne pas avoir participé à cette finale de folie, c’est dur. Ça restera une petite déception, mais ce qui m’a vraiment touché c’est quand pour la remise du bouclier Lucas Blanc et Gauthier Doubrère sont venus me chercher pour que je porte et soulève le bouclier en premier, ça restera un super souvenir.

 

En début de saison l’objectif premier était le maintien. A quel moment avez-vous vraiment commencé à croire à la possibilité d’obtenir le titre ?

Oui, en début d’année les coachs ont fixé comme objectif le maintien mais à vrai dire entre joueurs, cela n’a jamais été notre objectif. Le groupe était constitué quasiment d’anciens, on connaissait nos qualités et notre envie de finir sur une bonne note, le groupe espoir comparé à l’année d’avant n’avait pas trop changé, des Crabos pleins de bonne volonté et bosseurs intégraient le groupe espoir. Donc on s’était dit qu’on viserait une qualif’ et qu’après tout est possible en phases finales. Je ne parlerai pas de déclics mais de matches références qui nous ont prouvés à nous-mêmes qu’on avait les capacités de faire quelque chose cette saison et ça a confirmé notre volonté de gagner. Il y a eu ce premier match référence à Agen, on perdait 33 à 7 à la mi-temps, puis finalement on gagne 33 à 40, on repart en ayant gagné chez un gros du championnat. Dans le derby et en partant avec 5 points, derrière ça nous a donné confiance en nous et on a enchaîné les victoires et les bons résultats. La victoire à Toulouse, la belle victoire contre Clermont en décembre où on est Champion d’automne, la grosse victoire 40 à 3 contre Montpellier et la demi contre Toulon ; tous ces matches nous ont donnés confiance et ont fait notre force de caractère qui fait qu’on a commencé à croire en nous, et en notre objectif final de gagner ce championnat.

 

Vincent Bouet

 

Parallèlement au rugby, tu avais pour objectif d’obtenir ton Bachelor. Où en es-tu ?

Je n’ai pas terminé, il me reste des examens encore. J’ai passé mes partiels écrits une semaine après mon opération, ainsi que le TOEIC (une évaluation du niveau d’anglais, ndlr) indispensable pour valider mon Bachelor. Il me reste mes examens oraux qui sont sur un Business Game et mon rapport de stage, stage que je n’ai pas pu faire étant donné qu’il était prévu au mois d’avril-mai… Et comme malheureusement je me suis blessé, ce fut donc impossible, n’étant pas capable de me déplacer, tout en suivant des séances de kiné pour réapprendre à marcher au plus vite. Du coup, on a déplacé mon stage à cet été, mes oraux seront pendant les rattrapages fin août-début septembre. Donc là aussi, il va falloir que je sois patient, je n’en ai pas encore terminé avec les études.

 

Certains de tes coéquipiers (Marco Tauleigne, Cyril Cazeaux, Ronan Chambord, Gauthier Doubrère et Paulin Riva) ont eu la possibilité de jouer des matches avec l’équipe première. Comment est-ce vécu par le groupe ? Personnellement aurais-tu aimé avoir cette chance ? Que t’a-t-il manqué selon toi ?

Le fait que certains joueurs du groupe côtoient et jouent avec l’équipe première est quelque chose de positif tout d’abord pour eux, mais aussi pour nous autres, cela leur apporte de l’expérience qu’ensuite à leur tour ils apportent au groupe. C’est une plus-value pour eux et le groupe, et puis c’est super, ça fait toujours plaisir de voir qu’un mec avec qui on joue et s’entraîne arrive à avoir du temps de jeu en équipe première. Cela prouve qu’avec du talent et pas mal de travail, on peut y arriver. Personnellement, oui j’aurais aimé avoir ma chance comme tout le monde, si on est là en Espoirs et en centre de formation, c’est parce qu’on partage la même passion et le même rêve : jouer au plus haut niveau. Il m’a manqué du coffre physiquement, quelques kilos avant ma blessure – j’étais à 118 kilos mais ce n’est pas suffisant – je manque un peu de caisse, je pense, au vu du jeu proposé par le club et la vitesse à laquelle va le jeu en Top 14, je manquais un peu de condition. Puis au vu de la saison réalisée par Julien Le Devedec et Jandre Marais, il était très difficile d’obtenir du temps de jeu. Et avec les objectifs attendus par le club, les joueurs d’expérience (Adam Jaulhac, Berend Botha et Cyril Cazeaux) qu’il y avait devant moi, c’était très compliqué d’espérer du temps de jeu, je partais de beaucoup trop loin pour espérer quoi que ce soit. Je prenais ce qu’on me donnait, je progressais et apprenais au travers des entraînements auxquels j’ai pu participer avec les pros, à travers aussi quelques conseils qu’ils nous donnent.

 

En tant que capitaine tu dois avoir un regard sur le groupe. Penses-tu que certains de tes coéquipiers sont proches du groupe pro et pourraient avoir leur chance l’année prochaine ?

Il y a beaucoup de joueurs de qualité au sein de l’équipe donc c’est compliqué. Certains sont partants, d’autres en recherche de prêts qu’ils mériteraient, donc c’est compliqué d’en citer. Des garçons comme Thomas Lainault ou Lucas Blanc. Je dirais que Xerom Civil mériterait d’avoir sa chance l’an prochain, c’est l’un voire le meilleur pilier droit du championnat espoir depuis deux ans, c’est un sacré client en mêlée et dans les zones de rucks. Paulin Riva mériterait lui aussi plus de considération, il a survolé le championnat avec ses qualités de finisseur et passeur, il est très régulier dans ses prestations. Thierry Paiva, Jean-Blaise Lespinasse ou Ronan Chambord pourraient avoir leur chance plus régulièrement aussi malgré une forte concurrence… Sans oublier Gauthier Brute De Rémur qui, s’il continue à progresser à vitesse grand V, ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez après sa grosse saison.

 

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Tu as rejoint Langon en Fédérale 1, avec notamment Gauthier Minguillon. Comment se sont déroulés les contacts avec ce club, et était-ce un objectif de rester dans la région et proche des Landes ?

Le président de Langon, Thierry Drouet, est venu plusieurs fois au cours de la saison nous voir jouer. Michel Maillet m’a parlé très tôt dans la saison de Langon en bien et du souhait du club de vouloir me recruter, il nous a mis en contact par la suite en janvier-février. On a discuté autour d’un café, il m’a présenté son club, sa politique, comment il voyait les choses…  Ce n’était pas mon objectif, je souhaitais avant tout trouver un club où je pourrais continuer à progresser, prendre du plaisir, et m’y retrouver dans les valeurs du club et le fonctionnement.

 

As-tu eu d’autres contacts avec d’autres clubs, et qu’est ce qui a fait la différence ?

Oui, j’ai eu quelques contacts avec d’autres club de Pro D2 et haut de tableau Fédérale 1, et je ne m’en suis pas caché vis-à-vis du Président de Langon. Je souhaitais trouver un club assez rapidement afin de ne pouvoir penser qu’à ma fin de saison et mon Bachelor. La blessure a tout accéléré, avec les clubs ça devenait un peu compliqué ; atterrir dans un nouveau club pro, quand tu n’as jamais joué en pro, que tu ne reprends qu’en novembre, l’équipe aura repris depuis mi-juillet… Tu loupes les cinq premiers mois, c’est très compliqué à gérer. Lors de notre premier rendez-vous avec Thierry Drouet, son discours m’avait beaucoup plus, on avait été francs, on a eu un échange constructif. Par la suite, je suis allé voir plusieurs fois Langon jouer et l’ambiance au stade avec les joueurs, ça m’a énormément plu. Du coup, j’ai fait le choix d’aller à Langon l’an prochain, il y a une belle équipe, une bonne ambiance, c’est un club familial, de plus c’est proche de Bordeaux, un club avec une bonne réputation, un nouveau staff compétiteur donc bon, intéressant ! Ça va me permettre de reprendre correctement et dans de bonnes conditions.

 

Comme souvent en fin de saison chez les Espoirs, de nombreux joueurs, dont tu fais partie, vont quitter le club (Minguillon, Blanc, Feltrin, Nicolas…). Comment vivez-vous cela ?

Surtout cette saison, c’est un peu un crève-cœur, pour la majorité on joue ensemble depuis les Cadets (Perrier, Nicolas, Jimenez, Blanc, Paiva, Chambord, Minguillon, Laforgue, Civil, Brute De Remur, Serin) voire Crabos (Lainault, Castinel), au fur et à mesure en Espoir, des bon mecs ont rejoint le groupe (Tauleigne, Lespinasse, Riva, Kamicamica, Riva). On a connu des phases finales chaque année, on passait pas mal de temps ensemble la semaine avec les entraînements du centre de formation, des Espoirs et nos temps libres. C’est la fin d’une bande de potes, on a grandi ensemble et maintenant chacun va prendre sa route de son côté. C’est triste mais c’est comme ça, on gardera de supers souvenirs, on part fiers en ayant ramené le Bouclier Espoir Élite, le meilleur championnat chez les jeunes. On a quand même profité de la semaine entière après la finale pour savourer nos derniers moments ensembles…

 

Vincent Bouet

 

De ce fait, comment vois-tu la saison prochaine pour le groupe restant ?

Pour la saison prochaine, je pense que ça va être un peu compliqué au début car ça sera un groupe rajeuni, de nombreux Crabos vont monter en Espoirs, des joueurs cadres s’en vont ou montent avec la première. Les saisons se suivent et ne se ressemblent pas, mais je pense qu’ils peuvent viser la qualif’ en barrages même si ça sera dur. Il y a des joueurs avec de l’expérience qui ont été recrutés, Cros et Labouteley, il y aura toujours les deux Gauthier qui feront figure d’anciens, Anthony Vermont et Lucas Lebraud qui sortent d’une belle saison, Kitione qui est un excellent joueur et le papa des étrangers au sein des espoirs, les jeunes Crabos finalistes… Donc ça devrait le faire, il faudra être patient et indulgent, c’est un nouveau groupe qui démarre. Ils auront aussi l’apport de Cyril Cazeaux même si à mon avis, il jouera plus souvent en équipe première.

 

Il va aussi falloir trouver un nouveau capitaine pour la saison prochaine. Même si ce n’est pas toi qui va choisir, qui vois-tu te succéder ?

La réponse est évidente, je vois bien Gauthier Doubrère, il l’a été capitaine en cette fin saison, il le partageait avec Erwan Nicolas. C’est un bon joueur, il s’est vite adapté cette année, il sera un des plus âgés et il joue à un poste important. Il a joué en équipe première cette saison et à Auch, donc il fait figure de favori. Sinon j’aurais bien vu l’autre Gauthier, Brute de Remur. Il sera avec Max Laforgue, les derniers de notre génération à avoir connu le damier et être encore au club. Mais bon, je pense que ça sera Doubrère qui sera le capitaine l’an prochain.

 

Un très grand merci à Vincent pour le temps accordé. Comme beaucoup de joueurs cette saison, c’est un amoureux du club qui nous quitte, mais qui va découvrir une nouvelle aventure lui permettant de franchir une nouvelle étape, un nouveau palier dans une carrière que nous souhaitons riche. Nous ne manquerons pas de continuer à le suivre et lui souhaitons la meilleure réussite pour la fin de ses études et sa prochaine remise en forme.