[Interview] Johan Aliouat : « Il y a eu ce sentiment d’avoir trahi, abandonné mes coéquipiers et ce club qui me fait confiance »

La faute à pas de chance. Johan Aliouat était l’une des recrues de l’Union Bordeaux-Bègles la saison dernière. Après une bonne préparation et une bonne acquisition des systèmes, mais aussi de l’esprit de club de l’UBB, Johan disputa rapidement, à Toulouse, son premier match sous les couleurs girondines, comme remplaçant. Trois semaines après, à Clermont, il connaissait sa première titularisation de la saison. Une première mais aussi une dernière puisqu’à deux minutes de la fin de la rencontre, il dût sortir, laissant tout le monde craindre le pire. Et le verdict pour notre deuxième ligne fut une rupture du ligament croisé antérieur, le forçant à une fin de saison. Avec du recul, et après avoir traversé des moments difficiles – qu’il surmonta grâce à l’aide de ses proches mais aussi de tout un club – le revoilà cette saison avec une envie immense de prouver que le Président ne s’est pas trompé. Interview. 

 

Tu arrivais comme une nouvelle recrue, désireuse de prouver ton niveau, et finalement une blessure t’a contraint à manquer toute la saison. On imagine que ça a dû être une grosse déception à l’annonce du diagnostic ?

Evidemment que cela a été une grosse déception, se blesser deux minutes avant la fin du match, pour une première titularisation avec l’UBB… J’avais envie de montrer de quoi je suis capable. Ça a été dur pour moi. Quant à l’annonce de la blessure, j’ai mis du temps à m’en remettre, mais c’est mon destin et j’ai pris cela comme une épreuve.

 

Comment redresse t-on la barre dans ce genre de situation ? As-tu connu des moments de doute ?

Grâce à mes proches et mon entourage. J’ai regardé le côté positif de cette blessure, bien qu’il n’y en ait pas beaucoup. Et j’en ai profité pour travailler mes lacunes. Il y a eu des moments de doute, je me suis posé beaucoup de questions par rapport à mon genou, ma santé, d’abord, et je me posais beaucoup de questions par rapport à ce sentiment d’avoir trahi, abandonné mes coéquipiers et ce club qui me fait confiance. Mais très rapidement, j’ai décidé d’être optimiste.

 

photo Instagram Johan Aliouat

 

D’autres joueurs de l’effectif ont déjà connu cette blessure. T’ont-ils apporté leur expérience et leur soutien ?

Oui, j’ai souvent échangé avec des personnes qui sont passées par là, qui m’ont rassuré, conseillé, soutenu. J’ai beaucoup parlé, entre autres, avec Loïc Arnoul (un des kinés de l’UBB) et Darly Domvo qui m’a fait relativiser. Il a été un exemple pour moi et je me suis inspiré de sa force de caractère.

 

Comment s’est passée ta rééducation, quelles ont été les étapes ?

La première semaine a été très douloureuse, je ne dormais pas la nuit. J’ai passé un mois sans avoir le droit de poser le pied par terre, impossible de me lever ; heureusement, mes proches se sont bien occupés de moi. Ensuite, je suis allé au CERS à Saint-Raphaël pendant un mois, j’ai eu la chance d’être entouré par une très bonne équipe, où j’ai fait la première partie de ma rééducation. C’est là-bas que j’ai récupéré toutes mes amplitudes, et où j’ai réappris à marcher. Cela a été très bénéfique pour moi d’aller dans ce centre, j’ai vu toutes sortes de blessures très graves comme des accidents de la route, qui, là aussi, m’ont fait relativiser par rapport à mon genou. Originaire du sud-est, le CERS n’est pas loin de chez mes parents et de mes amis, j’ai pu rentrer tous les week-ends et là aussi être bien entouré. De deux à six mois j’ai énormément bossé avec les kinés et les prépas pour retrouver petit à petit de la force dans la jambe, travail de proprioception, reprise progressive des appuis et de la course durant le sixième et septième mois. Lors de mes dernières vacances, j’ai été chez un ami à la Seine-sur-Mer qui a ouvert un centre MBST. C’est une machine qui, par résonance magnétique favorise la reconstitution du cartilage et enlève la douleur. Suite à ce traitement, j’ai eu un repos forcé de deux semaines et dans ma troisième semaine, je suis retourné à Bordeaux pour me préparer avant la reprise et je reprends progressivement la course et le cardio.

 

photo Instagram Johan Aliouat

 

Etait-ce long, et as-tu pensé que tu pouvais revenir plus tôt que prévu, aider l’équipe ? 

Oui, j’ai pensé revenir plus tôt, mais c’est quand même une blessure importante, ma jambe n’a pas récupéré toutes ses facultés donc personnellement et pour les coéquipiers, tant que je ne suis pas à 100% physiquement et mentalement, je ne pense pas que je puisse être d’une grande utilité à l’équipe. Et je souhaite revenir au meilleur de ma forme, même mieux.

 

L’on dit souvent qu’avec une telle blessure, on est un peu laissé de côté, à l’écart. As-tu ressenti tout le soutien nécessaire, ou aurais-tu aimé que l’on soit plus proche de toi, à te soutenir ?

Le soir même de la blessure, j’ai pu ressentir tout le réconfort nécessaire de la part de mes coéquipiers. Des messages de soutien, beaucoup de conseils notamment de la part de Ian Madigan qui a eu la gentillesse de me prêter pendant plusieurs semaines son game ready (machine de refroidissement pour glacer le genou, ndlr). Marco Tauleigne, qui habite à côté de chez moi, qui m’a rendu d’immenses services. J’ai reçu énormément de messages et d’appels venant de la part de tous les gens qui travaillent à l’UBB : staff, bureau, boutique ainsi que du président Laurent Marti et cela tout au long de ma convalescence.

 

Justement, aujourd’hui, où en es-tu précisément ? Ta blessure est-elle un mauvais souvenir ou auras-tu une préparation adaptée à la reprise de la prochaine saison ?

Un mauvais souvenir, oui ! Mais c’est derrière moi et aujourd’hui je me concentre et me prépare pour retrouver le terrain, et les meilleures sensations pour ma reprise. Je pense que je vais avoir une préparation adaptée et dès le début de saison, on va faire un point avec le staff médical et les prépas physiques afin de voir quel serait le meilleur programme pour moi.

 

photo Instagram Johan Aliouat

 

Comment as-tu vécu les résultats de l’équipe la saison dernière ? Et estimes-tu que Bordeaux méritait mieux, ou est à sa place ?

J’ai mal vécu les résultats parce que l’objectif était de finir dans les 6, j’estime qu’on en avait le potentiel, on n’aurait pas volé notre place. Il faut dire que j’ai arrêté de regarder les matchs à la télé, un sentiment de frustration m’envahissait. J’ai préféré suivre les évolutions de scores sur internet. Quand ils avaient un mauvais résultat, j’étais là pour les soutenir et donner mon point de vue comme ils ont été la pour moi, c’était un soutien mutuel.

 

Quels sont tes objectifs pour la prochaine saison ?

Retrouver les terrains, jouer, prendre du plaisir et jouer le maximum de matches pour continuer ce que j’avais commencé en septembre dernier.

 

L’UBB a décidé de repartir cette saison avec des jeunes, et a laissé partir plusieurs cadres. Est-ce que selon toi, l’Union pourra faire mieux que la dernière saison ? En a-t-elle les capacités ?

Tant qu’on n’est pas champions, on peut toujours mieux faire. Concernant le recrutement, c’est une très bonne chose de recruter des jeunes, mais ça ne me regarde pas, je fais confiance au Président et aux entraîneurs pour cela.

 

Y a-t-il une crainte de ne pas sortir ton épingle du jeu, alors que ton contrat se termine en juin 2018 ?

Pas de crainte, je n’y pense pas particulièrement. Ma santé est primordiale, je fais tout pour revenir à mon meilleur niveau. Quelle que soit l’issue de mon contrat, je ferai tout pour ne pas avoir de regrets si j’apprends que je ne suis pas conservé. Selon la décision, dans tous les cas, j’estime que c’est mon destin et ça ne sera pas un échec mais une leçon.

 

Que peut-on te souhaiter pour cette nouvelle saison ?

Le meilleur.

 

C’est tout ce que nous souhaitons également à Johan, le meilleur. Merci à lui d’avoir joué le jeu lors de cette interview enrichissante. A très bientôt… sur les terrains !